Voici un bref texte aussi sombre qu'incandescent.
Celle qui se fit appeler Laure (de son véritable nom Colette Peignot), qui eut une trajectoire météorique, qui fut la compagne, entre autres de Bataille et de Boris Souvarine, y raconte, en quelques traits fulgurants, une enfance prise dans les rets de la morale bourgeoise, engluée dans une lénifiante hypocrisie religieuse.
Laure se tient à hauteur d'enfant, elle restitue terreurs, dégoûts, révolte brûlante, rares émerveillements, avec une acuité qui laisse pantois. Ses phrases sont autant de flèches acérées qui épinglent l'inhumanité d'une mère toute dédiée aux conventions de sa vie factice, l'horreur des abus perpétrés par un prêtre absous de tous, la solitude extrême d'une adolescente qui se dresse, intrépide, contre son milieu.
L'écriture est cristalline, perçante, sèchement lyrique. Il n'y a pas un mot superflu.
C'est un précipité de foudre.
"Des milliers de points lumineux apparaissent dans l'obscurité, ils dansent en rond, s'éloignent de la veilleuse, essaiment vers moi. Une fine poussière d'arc-en-ciel se pose sur les objets, les gouttes de couleur glissent les unes sur les autres. Cônes, cercles, rectangles, pyramides liquides et phosphorescentes, abécédaire des formes et des couleurs, prisme solaire, ciel de mes yeux en pleurs ; les phosphènes dansent en rond... le lit tangue sous la houle des rêves.
Et les jours et les nuits c'était une enfance sordide et timorée, hantée par le péché mortel, le Vendredi saint et le mercredi des cendres. Enfance écrasée sous les lourds voiles de deuil, enfance voleuse d'enfants."








